Août 1996, en plein coeur de l'été, alors que c'est la période creuse par excellence comme tout commercial ayant bien étudié son marketing le sait, voilà que sort un jeu que pas grand monde n'attendait, auquel personne ne croyait vraiment . Et pour cause, puisque c'est Capcom, l'empereur des jeux de baston, qui se lance dans le survival horror avec Resident Evil, un petit chef-d'oeuvre qui va s'attirer tous les honneurs de la presse et des joueurs, pour entrer instantanément dans la légende.
Retour sur un véritable culte, qui a entraîné une toute saga dans son sillage et des clones aux alentours.
Raccoon, son manoir, ses clébards , sa pharmacie.La première claque infligée par Resident Evil est d'ordre graphique. La réalisation terrasse alors tout ce qui s'est fait jusqu'à présent, grâce à une 3D précalculée (décors fixes) qui a le mérite de bien mieux vieillir que les full 3D de l'époque (Tomb Raider, par exemple). Ce système de plans fixes permet en outre d'apprécier un réel sens de la mise en scène, très cinématographique, avec des cadrages toujours très étudiés pour le suspense et/ou pour appréhender le mieux possible l'action et les énigmes dans chaque pièce.
Grâce à ces atouts considérables, Resident Evil frappe l'imagination, impressionne le joueur qui se plonge dans ce qui ressemble à un film interactif.
Mais tout ceci ne pèserait finalement pas bien lourd dans la balance sans l'univers et l'ambiance développés, véritables points d'orgue du soft de Capcom.
Des meurtres mystérieux perpétrés dans une forêt aux abords de Raccoon City (petite bourgade américaine inventée pour l'occasion), une nuit d'été calme, seulement troublée dans son silence par les grillons et quelques chiens au lointain, une équipe d'investigation portée disparue, une attaque brutale de créatures abjectes et ce manoir lugubre qui semble être la seule issue de secours pour les survivants de la nouvelle équipe venue à la rescousse et dont vous allez prendre le contrôle...
En quelques petites minutes, on est instantanément propulsé au coeur de l'intrigue, plongé dans une atmosphère à la fois glauque et mystérieuse sous inspiration des films de Romero, Sam Raimi et même des Oiseaux d'Hitchcock. Le manoir aux boiseries chaleureuses, aux parquets poussiéreux et aux papiers peints désuets devient un acteur à part entière, en créant un climat oppressant, par son intense solitude aux relents putrides. Ces bases posées, l'angoisse peut s'installer et le joueur de sursauter de peur à chaque apparition brutale d'une créature zombifiée. Des sensations jusqu'alors inédites sur consoles.
Courage, fuyons !Si Resident Evil fait peur, ce n'est pas seulement grâce à sa mise en scène et ses effets de surprise, mais aussi et surtout grâce à son concept de survie. Contrairement aux épisodes les plus récents, ici armes et munitions sont savamment dosées, disséminées avec parcimonie afin que le joueur se pose la question à chaque créature rencontrée : "ne vaut-il pas mieux fuir et économiser mes 4 malheureuses cartouches?". On préférera ainsi éviter un ou deux affrontements, histoire d'économiser ses billes en cas de rencontre avec une grosse bébète, de celles qui font plus de dégâts que les autres! Comme il en va de même pour les soins et le système de sauvegarde (par le biais de rubans encreurs à récolter, à utiliser sur quelques machines à écrire), on aura peur d'ouvrir la prochaine porte sans savoir ce qui nous attend derrière.
A ce sujet, on se surprendra souvent à soupirer de soulagement en reconnaissant le thème très zen des salles de sauvegarde, où l'on pourra faire une pause, se ravitailler, sauvegarder avant de repartir dans l'angoisse. C'est dans ces moments que l'on peut juger de l'immersion étonnante qu'offre le titre de Capcom, que l'on peut se rendre compte que ce n'est pas qu'un simple jeu, mais carrément une expérience : en clair, on vit l'aventure.
Resident Evil 1 reste l'épisode le mieux équilibré, jonglant sans cesse entre action et aventure, entre exploration et énigmes, tensions et accalmies, au sein d'un cadre étroit et oppressant. Il casse superbement la routine du je vois-je tue, la réussite n'en est que plus appréciable !
Sonate pour un zombie ! Impossible de parler d'un Resident Evil sans évoquer son aspect sonore, primordial dans tout survival horror. Les thèmes musicaux de Resident Evil restent tous gravés dans la mémoire des joueurs. Des plages de tension aux thèmes carrément zen comme celui de la save room ou du laboratoire, tout est calibré sur mesure, ultra-efficace sans oublier d'être avant tout mélodique... un charme inouï se dégage de l'ensemble, devenu un classique du genre. Un sans-faute.
Le soin apporté aux bruitages est tout aussi considérable : que ce soit le changement des bruits de pas en fonction de la surface piétinée (tapis, marbre, parquet, moquette), le râle des zombies, les coups de feu, le sifflement des hunters, l'ambiance nocturne extérieure ou même le silence qui se fait menaçant, rien à redire, tout ceci remplit parfaitement son rôle et participe à l'immersion générale.
Something's wrong in this house ! Quelque chose qui cloche dans la baraque? Ben oui, la perfection n'est pas de ce monde.
Ainsi, on aura beaucoup critiqué la maniabilité des premiers Resident, la taxant ni plus ni moins qu'injouable. Or, ce n'est qu'une question d'adaptation face aux changements incessants de plans : quand on a compris qu'il faut appuyer sur haut pour avancer, quel que soit le cadrage de caméra, on a tout compris et on ne pense même plus à la maniabilité. Maniabilité qui est tout de même infiniment plus aboutie que celle d'un Alone In The Dark 2, dans le même genre, sur la même console et de la même année !
Quoi d'autre? Les doublages ont aussi fait l'objet de moultes critiques, de par leur côté naïf et pas très bien joué. Mais ils s'intègrent à l'esprit d'hommage aux séries B horrifiques et ne m'ont pas gêné plus que ça. En fait, le seul vrai défaut qu'on peut voir à Resident Evil 1 est d'avoir vieilli. En effet, en s'y essayant aujourd'hui, les joueurs élevés à la HD dans le biberon et aux BN parfum Gears Of War risquent fort de se choper des conjonctivites face aux graphismes désuets, aux personnages cubiques, aux giclées de pixels en guise de gerbes de sang. On ne peut pas être et avoir été, comme dit le dicton populaire.
Le gameplay accuse aussi ses 13 ans d'âge par son manque de souplesse, à cause de détails comme l'ouverture des portes, pas de demi-tour rapide, pas de recharge à la volée, mais aussi les denrées qui ne s'amalgament pas automatiquement (par exemple, si vous venez de trouver 2 rubans encreurs et que vous voulez les amalgamer avec les 3 qui vous restent dans votre coffre, vous serez contraints d'importer les 3 du coffre dans votre inventaire et de faire l'opération manuellement, ce qui à la longue peut s'avérer irritant).
Une foule de détails peut ainsi rebuter les joueurs les plus jeunes, ceux qui jugeront sans subir l'effet de nostalgie.
"Just... as... I... Thought !" En conclusion et malgré les reproches qu'on peut lui attribuer, Resident Evil reste un monument, une pierre angulaire qui a bouleversé le jeu vidéo, étendant le média à un public plus adulte et démocratisant un genre jusqu'alors mineur et sous-représenté, le survival horror, auquel il fournit ses Lettres de Noblesse au passage.
Si en 13 ans de temps, les progrès technologiques ont permis d'énormes améliorations graphiques qui lui filent un petit coup de vieux (merci la HD), RE1 conserve un charme et une ambiance inégalés depuis, y compris par ses propres suites... sauf peut-être pas son propre remake, six ans plus tard, sur GameCube... mais ceci est une autre histoire, à suivre ici-même.
Plus qu'un simple jeu, une véritable expérience inoubliable. Et là, tout est dit.
Source : Ultimate-RE.com